Touba la ville sainte et la recrudescence des inondations par I’mDieng

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Depuis des décennies, la ville de Touba est engloutie par les eaux à chaque saison des pluies, un phénomène qui reflète tragiquement l’incapacité de l’État à offrir des solutions durables à cette situation critique.

Hier, le 17 septembre, une nouvelle vague d’inondations a frappé la ville et plongé ses habitants dans une angoisse bien trop familière. Malgré les milliards dépensés et les promesses solennelles des gouvernements successifs, la réalité reste amère : Touba est sous l’eau, encore et toujours. Sous l’administration précédente, de nombreux projets ont été annoncés avec grand éclat. On a vu défiler des chiffres impressionnants, tels que les 27 milliards de francs CFA alloués au programme d’assainissement d’urgence ou les 23 milliards injectés dans la deuxième phase du Plan d’assainissement de Touba. Des rapports soulignent la mise en place de plusieurs infrastructures (stations de pompage, forages, bassins de stockage, etc). Selon les dires des autorités, ces investissements auraient « atténué immédiatement les impacts des inondations ». Pourtant, face aux eaux stagnantes et débordantes dans les rues de la ville, dans les maisons, nous nous interrogeons légitimement : Où est passé tout cet argent ?

Les infrastructures, bien que prometteuses sur le papier, peinent à répondre aux besoins réels. Des améliorations temporaires, oui, mais rien qui n’offre une protection durable face aux pluies diluviennes. En fait, chaque nouvelle saison pluvieuse rappelle aux citoyens que les milliards investis n’ont guère réussi à mettre un terme au cauchemar des inondations. Des quartiers entiers restent non couverts par les phases 1 et 2 du plan d’assainissement et l’ombre de la corruption plane lourdement sur ces échecs successifs.

Le nouvel exécutif, incarnant la promesse de rupture avec un passé de mal-gouvernance, le Jubb-Jubbal-Jubbanti, se retrouve face à un défi de taille. Les attentes sont énormes, et à juste titre.Le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement, sous le management du ministre Cheikh Tidiane DIEYE, a du pain sur la planche. Touba, en tant que centre spirituel et économique, mérite une attention particulière, d’autant plus que sa population croissante accentue la pression sur les infrastructures urbaines. Si l’équipe en place souhaite véritablement incarner le changement, elle devra faire preuve de rigueur, de transparence et, surtout, d’efficacité. Mais les solutions ne viendront pas uniquement de l’État. La mobilisation des ressources locales est opportune, et ici, le modèle mouride peut jouer un rôle clé, puisqu’il est, pour beaucoup d’économistes, un exemple à suivre pour un développement durable. Le mouridisme, au-delà de sa dimension religieuse, est une véritable école de l’effort, du travail licite et du service communautaire. Cheikh Ahmadou Bamba a toujours prôné la valeur du travail physique, comme une voie vers le licite et l’adoration. Selon lui, « la recherche du licite doit primer sur toutes les autres préoccupations ». Ce modèle d’éthique de travail pourrait inspirer un programme d’assainissement plus participatif et solidaire, où la communauté prendrait une part active dans l’entretien et l’amélioration des infrastructures.

À travers le concept de khidma, la quête de richesses ne s’oppose pas à la spiritualité, mais se met au service de la communauté. C’est un appel à allier l’effort individuel et collectif pour construire une cité prospère. Dans cette optique, la communauté mouride pourrait jouer un rôle plus déterminant en prenant en charge une partie des projets d’assainissement. Ce modèle de solidarité, déjà présent à travers les dahiras et autres coopératives mourides, pourrait être renforcé par des initiatives locales pour pallier les insuffisances de l’État. Touba, centre spirituel de millions de croyants, ne peut plus continuer à être l’otage d’un système défaillant. Les enseignements du Cheikh Ahmadou Bamba offrent une boussole pour réorienter les priorités de la ville. Il ne s’agit plus seulement de promettre des milliards, mais d’impliquer directement les habitants dans la conception, la mise en œuvre et la gestion des infrastructures, par le renforcement de la solidarité communautaire et en s’appuyant sur les valeurs d’effort et de discipline du mouridisme. Touba pourrait non seulement résoudre ses problèmes d’inondations, mais aussi devenir un modèle de développement durable pour d’autres villes du Sénégal.

Un autre aspect que je trouve très important, c’est la responsabilité des élus locaux. Les collectivités territoriales sont les pièces du puzzle étatique. L’octroi anarchique de terres par les mairies, sans aucune planification préalable en matière d’assainissement, aggrave considérablement la problématique des inondations. Dans de nombreuses zones, des parcelles sont attribuées sans tenir compte des impératifs hydrauliques. Ils laissent les populations bâtir sur des terrains inadaptés à l’évacuation des eaux pluviales. Cette urbanisation galopante et irrationnelle, qui échappe souvent aux normes de l’urbanisme, étouffe les réseaux d’assainissement existants et multiplie les risques d’inondation. Chaque saison des pluies expose davantage l’inefficacité de cette approche désorganisée, où la priorité est donnée à la distribution des terres plutôt qu’à la création d’infrastructures durables pour canaliser les eaux. Si nous voulons mettre fin à ce fléau des eaux, il faut que l’Etat impose aux collectivités d’intégrer des plans d’assainissement rigoureux avant toute attribution foncière, afin de garantir un développement urbain harmonieux qui puisse résister aux aléas climatiques.

Les inondations récurrentes auxquelles nous faisons face ne sont pas uniquement le fruit des caprices de la nature, mais aussi des failles humaines dans la gestion urbaine, la planification foncière et l’entretien des infrastructures. Face aux défis environnementaux, il faudra adopter une approche plus durable, réformer les politiques d’aménagement, renforcer les infrastructures d’assainissement et impliquer davantage les populations dans la prévention des risques. Seule une gestion concertée et proactive permettra de protéger nos villes et d’assurer un cadre de vie digne pour les générations futures. Un rappel avant de terminer, il faut de la rigueur de le suivi et l’évaluation. Sans cela, nous serons dans un éternel recommencement.

I’mDieng, écrivain africain du Sénégal.

Dakar, le 18 septembre 2024

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