Quand les paris en ligne brisent les couples sénégalais au Maroc
Au Maroc, l’ombre des paris en ligne plane sur de nombreux foyers sénégalais. Ce qui n’était au départ qu’un simple loisir est devenu pour certains une spirale destructrice, au point de mettre en péril la stabilité de couples et l’avenir d’enfants.
Selon une étude du Conseil national marocain des jeux et paris en ligne (2023), près de 2,8 millions de personnes parient régulièrement, dont une part importante d’étrangers vivant au Maroc. Dans la communauté sénégalaise, plusieurs associations de migrants tirent la sonnette d’alarme : les pertes financières liées aux paris conduisent à des dettes, à des expulsions et parfois à des séparations conjugales.
L’histoire de Mariama et Ibrahima, installés à Tanger avec leurs deux enfants, illustre ce drame. Entre loyers impayés, coupures d’électricité et menaces d’expulsion, le couple vit au rythme des paris d’Ibrahima. Mariama, serveuse dans un petit restaurant, tente de maintenir la famille à flot, mais les revenus disparaissent souvent dans les mises placées en ligne.
> « Le prochain pari sera le bon », répète Ibrahima, comme pour se convaincre. Mais chaque nouvel échec plonge un peu plus la famille dans la précarité.
Derrière ce cas, un phénomène. Les associations locales, comme l’Amicale des Sénégalais de Tanger, affirment recevoir de plus en plus de plaintes de femmes confrontées à ce fléau. « Nous avons recensé une trentaine de cas en deux ans. Les hommes tombent dans une addiction qu’ils n’arrivent pas à contrôler. C’est une véritable bombe à retardement sociale », explique un membre de l’organisation.
Les psychologues parlent d’un « cercle vicieux » : l’illusion d’un gain facile, la perte, puis la tentation de rejouer pour se refaire. Les plateformes de paris en ligne, accessibles 24h/24 depuis un simple smartphone, accentuent cette dépendance.
À Casablanca, Rabat, Tanger ou Marrakech, les témoignages se ressemblent. Les couples se déchirent, les enfants souffrent, et certains jeunes sombrent dans la dépression. Les bailleurs, eux, ne font pas de concessions : « Quand le loyer n’est pas payé, il n’y a pas de discussion possible », tranche un propriétaire de Tanger.
Malgré tout, quelques voix s’élèvent pour apporter de l’espoir. Des associations marocaines de lutte contre les addictions proposent des programmes d’accompagnement. Mais le chemin reste long.
« L’addiction au jeu est comme une drogue », rappelle un psychiatre marocain spécialisé dans les dépendances. « Il faut une prise en charge sérieuse et un engagement personnel, sinon le cycle recommence. »
L’avenir de Mariama et Ibrahima reste incertain. Comme tant d’autres couples, ils marchent sur un fil fragile, entre amour, responsabilités et le poids d’une addiction qui ne cesse de ronger leur quotidien.
Un appel à l’action s’impose : sensibiliser, accompagner et créer des alternatives pour protéger les familles, avant que les paris en ligne ne deviennent un naufrage silencieux au sein de la diaspora sénégalaise au Maroc.
Par Baye thierno ka
–
Average Rating