La communication du gouvernement est aujourd’hui l’un des piliers les plus stratégiques pour la stabilité politique et la confiance citoyenne. Malheureusement, force est de constater que cette communication, essentielle à la bonne marche d’une démocratie, est pratiquement inexistante ou, pire, confondue avec celle du parti politique au pouvoir. Ce mélange des genres nuit à la crédibilité des institutions publiques et brouille la perception que les citoyens ont de l’action gouvernementale.
1. Un constat accablant : la confusion entre communication gouvernementale et communication partisane
Au lieu d’une communication institutionnelle claire, posée, et axée sur les réalisations et les perspectives de développement du pays, nous assistons à une surenchère verbale portée par certains membres du gouvernement et des directeurs généraux, souvent issus du parti au pouvoir. Ces responsables, investis de missions techniques et administratives précises, se livrent à des prises de parole intempestives, cherchant non pas à éclairer les citoyens mais à décrédibiliser des personnalités politiques à qui les sénégalais ont refusé d’accorder leur confiance et à se positionner politiquement.
Chaque déclaration semble vouloir surpasser la précédente en gravité, avec des accusations non fondées, des discours accusatoires et une tendance à la théâtralisation de la gestion antérieure. Ce climat est malsain et destructeur pour l’image du gouvernement. Les ministres, directeurs généraux et autres hauts fonctionnaires, au lieu de se concentrer sur la gestion quotidienne et les défis à relever pour le bien-être des citoyens, jouent aux procureurs et aux juges, accusant ceux qui les ont précédés au pouvoir.
Cette dérive pose un problème majeur : elle confond l’autorité de l’État avec la défense des intérêts d’un parti politique. L’institutionnalité du gouvernement est ainsi brouillée et la frontière entre la communication gouvernementale et la communication politique devient floue, voire inexistante.
2. Conséquences : une communication chaotique et contre-productive
Les conséquences de cette confusion sont lourdes. D’abord, la multiplication des prises de parole des membres du gouvernement et des cadres du parti au pouvoir finit par brouiller le message officiel. Accusations répétées, surenchère verbale et mise en scène des défauts de la gestion précédente : tout cela contribue à créer un climat de suspicion généralisée.
Ce discours, trop souvent creux et tourné vers la critique, éloigne le gouvernement de sa mission première, celle de travailler pour l’intérêt général. La théâtralisation permanente des faits et des discours risque de rendre ridicules ceux qui s’y adonnent, notamment les responsables actuels du régime, qui finiront par être perçus comme des acteurs sur une scène politique superficielle, sans consistance réelle. Par ailleurs, cette surenchère verbale peut avoir pour effet pervers de minimiser les véritables erreurs commises par l’ancien régime. En effet, à force d’accuser sans preuves ni nuances, l’opinion publique pourrait finir par considérer ces accusations comme des manœuvres politiques sans fondement, affaiblissant la crédibilité de ceux qui les émettent.
Pire encore, cette forme de communication contribue à diviser davantage les citoyens, en exacerbant les tensions politiques et sociales, plutôt que de chercher à les apaiser. En adoptant un discours accusatoire permanent, les membres du gouvernement et leurs relais au sein du parti risquent de créer une fracture durable entre ceux qui les soutiennent et ceux qui se sentent injustement accusés ou ignorés.
3. Des solutions pour une communication plus institutionnelle et responsable
Pour sortir de cette impasse, plusieurs solutions s’imposent. D’abord, il est crucial de maîtriser les communications des membres du gouvernement. Il ne peut plus y avoir de prises de parole désordonnées, ni de surenchère verbale. Les ministres et directeurs généraux doivent être strictement encadrés dans leurs déclarations publiques, en veillant à ce qu’elles restent en adéquation avec leurs responsabilités et leurs compétences.
Ensuite, il est essentiel d’institutionnaliser la communication gouvernementale. Le porte-parole du gouvernement doit jouer pleinement son rôle. Il doit être le principal interlocuteur avec la presse et la population concernant les grandes orientations et les décisions gouvernementales. Une de ses missions clés serait d’organiser des points presse hebdomadaires, notamment à la suite des Conseils des ministres, afin de rendre compte des décisions prises, des réformes en cours et des réalisations du gouvernement. Cela permettrait de recentrer la communication sur les actions concrètes, plutôt que sur les débats stériles et les accusations.
Par ailleurs, il est impératif de limiter la communication des directeurs généraux et autres responsables publics à leurs domaines de compétence. Ces fonctionnaires, tout en étant des relais importants pour la diffusion de l’information, ne doivent pas se substituer aux ministres ou au porte-parole du gouvernement dans les déclarations publiques générales. Leurs interventions doivent se concentrer sur les réalisations techniques de leurs secteurs respectifs, afin d’éviter toute politisation excessive.
Enfin, il est primordial que nos dirigeants prennent conscience de leur nouvelle position de responsables publics. Ils ne sont plus uniquement des acteurs politiques défendant des intérêts partisans ; ils sont les dirigeants de la nation, garants de l’intérêt général. Continuer à agir comme s’ils étaient toujours dans l’opposition, à surjouer la critique et l’accusation, est une erreur stratégique qui pourrait avoir des conséquences graves pour la stabilité du pays. En ne réalisant pas la responsabilité qui leur incombe désormais, ils exposent le Sénégal à des risques de division et de désinformation.
En définitive, la communication gouvernementale doit être réformée en profondeur pour retrouver son rôle institutionnel et transparent. Nos dirigeants doivent comprendre qu’une communication politique mal maîtrisée est dangereuse. Il est temps pour le gouvernement de se concentrer sur la gestion du pays, en respectant la dignité de la fonction publique et en évitant les excès de la surenchère verbale. Si cette situation n’est pas corrigée rapidement, elle pourrait engendrer des tensions inutiles et nuire à l’image du pays, tant sur le plan interne qu’international. Il est donc urgent de restaurer une communication gouvernementale professionnelle, respectueuse des règles de l’État et axée sur l’information objective et constructive.
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