FAUX NUMÉROS, VRAIES ILLUSIONS : quand certains Subsahariens au Maroc se font passer pour des Européens
Chrinique de ReNa
Maroc — De plus en plus de ressortissants subsahariens vivant au Maroc se font passer pour des résidents en Europe.
Leur arme ? Des puces françaises ou espagnoles, vendues autour de 200 dirhams, avec une recharge de 5 euros.
Grâce à ces numéros commençant par +33 ou +34, ils font croire à leurs familles, amis ou copines qu’ils vivent en France ou en Espagne — alors qu’ils résident à Casablanca, Agadir, Tanger ou Marrakech.
Une illusion bien organisée
Le scénario est souvent le même.
Sur WhatsApp, Telegram ou Messenger, le numéro européen inspire confiance et crédibilité.
Certains passent même des appels avec la recharge européenne pour prouver qu’ils “sont bien en Europe”.
D’autres publient des photos neutres ou retouchées, ou utilisent des images prises sur internet pour appuyer leur mensonge.
Résultat : la supercherie devient difficile à déceler.
Les femmes, premières victimes
Les femmes subsahariennes sont les plus touchées par ce phénomène.
Beaucoup pensent avoir trouvé un fiancé en Europe, un homme sérieux prêt à les aimer et à les aider.
Séduites par les mots doux et la mise en scène, certaines vont jusqu’à envoyer des photos ou vidéos intimes, par amour et confiance.
Mais derrière l’écran, l’homme n’est pas en Europe : il vit souvent à quelques rues d’elles, au Maroc.
« Il disait qu’il était à Paris et qu’il m’aimait. Je lui ai envoyé des vidéos, pensant qu’il était sincère.
Un jour, j’ai appris qu’il habitait à Marrakech », raconte une jeune femme sénégalaise, la voix tremblante.
Dans certains cas, ces contenus intimes sont ensuite utilisés pour menacer ou faire pression, aggravant encore le traumatisme des victimes.
Pourquoi mentent-ils ?
Tous ne le font pas par méchanceté.
Certains cherchent à fuir la honte d’un échec migratoire ou d’une situation précaire.
D’autres y voient un moyen de séduire, manipuler ou soutirer de l’argent.
Dans certaines communautés, “être en Europe” reste un signe de réussite sociale, même si ce n’est qu’un mensonge numérique.
Un phénomène en pleine expansion
Ces “faux Européens du Maroc” se multiplient, profitant de la vente libre des puces étrangères et de la naïveté de certaines victimes.
Les appels via numéros européens, les messages romantiques et les promesses d’avenir servent à maintenir l’illusion.
Mais cette illusion détruit des vies : cœurs brisés, réputation ruinée, confiance perdue.
Comment éviter le piège
– Les experts et associations conseillent :
– Exiger un appel vidéo réel avant tout engagement.
– Observer les détails du décor (météo, langue, environnement).
– Se méfier des numéros européens vendus au Maroc.
– Ne jamais envoyer de photos ou vidéos intimes, même par amour.
– Et surtout, ne jamais transférer d’argent à quelqu’un qu’on n’a jamais rencontré physiquement.
Une illusion qui cache un profond malaise
Derrière ces mensonges se cache un mal-être social et psychologique.
La peur de l’échec, le besoin de reconnaissance et la pression du “succès à l’européenne” poussent certains à vivre dans une fiction permanente.
Mais cette fiction finit toujours par exploser — et les conséquences sont souvent dramatiques.
« Ce phénomène révèle une génération prise entre rêve d’Europe et réalité marocaine.
Mentir devient une façon d’exister », explique un sociologue à Rabat.
Les “faux Européens” du Maroc ne trompent pas seulement les autres : ils se trompent eux-mêmes.
Et pendant qu’ils entretiennent leurs mensonges, des femmes pleurent, se cachent ou se détruisent en silence.
La honte n’est pas d’être resté au Maroc — la honte, c’est de bâtir sa fierté sur un mensonge.
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