Enquête – Sénégal : l’héritage économique controversé de Macky Sall
Alors que le Sénégal traverse une crise de confiance avec le Fonds monétaire international (FMI), la lumière se tourne vers le passé récent. Au cœur des accusations : la gouvernance économique de l’ancien président Macky Sall, qui a dirigé le pays de 2012 à 2024. Derrière le vernis du Plan Sénégal Émergent (PSE) et des grands projets d’infrastructures, se cache un lourd passif financier fait de dettes dissimulées, de dépenses mal maîtrisées et de pratiques budgétaires contestées.
Une dette publique en plein envol
Lorsque Macky Sall accède au pouvoir en 2012, la dette publique du Sénégal s’élève à environ 3 500 milliards de FCFA. Douze ans plus tard, elle dépasse les 13 000 milliards de FCFA.
Une partie de cette dette est justifiée par la volonté de financer des infrastructures modernes : Train Express Régional (TER), autoroutes, stade Abdoulaye Wade, hôpitaux et universités. Mais au-delà de ces projets visibles, de nombreux engagements financiers ont été contractés sans que les partenaires techniques et financiers en soient informés.
Le FMI a révélé en mars 2025 l’existence d’une « dette cachée », contractée entre 2019 et 2024, estimée à plusieurs milliards de dollars. Autrement dit, des emprunts et engagements de l’État n’ont pas été comptabilisés dans les bilans officiels transmis aux bailleurs.
Des comptes maquillés
Selon des sources proches du dossier, les équipes financières de Macky Sall auraient transmis au FMI des données incomplètes, voire falsifiées, sur les déficits budgétaires et la dette publique.
« C’est une pratique qui a permis au Sénégal de continuer à bénéficier des décaissements du FMI, alors même que les critères de transparence n’étaient plus remplis », confie un économiste de la région ouest-africaine.
Cette dissimulation est aujourd’hui au cœur du bras de fer entre Dakar et le FMI, qui exige un audit complet et la publication de tous les engagements financiers du pays avant tout nouveau financement.
Des choix budgétaires contestés
Au-delà des chiffres, la stratégie économique de Macky Sall soulève des interrogations.
Le gouvernement a multiplié les projets phares, souvent coûteux, sans toujours mesurer leur impact économique réel. Le TER, inauguré en 2021, a englouti plus de 1 000 milliards de FCFA, alors que des secteurs comme la santé et l’éducation restaient sous-financés.
De même, les subventions énergétiques, qui pèsent lourd sur le budget de l’État, n’ont pas été réformées, contribuant à accroître les déficits.
« L’État dépensait beaucoup, mais pas toujours de manière efficace. Les projets de prestige ont pris le pas sur les investissements productifs », analyse un ancien haut fonctionnaire du ministère de l’Économie.
Corruption et clientélisme en toile de fond
Plusieurs rapports de la Cour des comptes et d’organismes de contrôle ont dénoncé des irrégularités dans la passation des marchés publics. Des contrats attribués de gré à gré, des surfacturations, et un usage politique des ressources ont alimenté les soupçons.
Ces pratiques ont fragilisé la confiance des citoyens, mais aussi celle des bailleurs internationaux.
Une dépendance accrue au FMI et aux bailleurs
Le modèle économique de Macky Sall reposait largement sur les financements extérieurs. FMI, Banque mondiale, Banque africaine de développement et Eurobonds ont permis de soutenir la croissance, mais au prix d’une dépendance financière dangereuse.
Aujourd’hui, cette dépendance se retourne contre Dakar : la suspension du programme du FMI bloque l’accès à d’autres financements et pousse le pays vers des emprunts plus coûteux sur le marché régional.
Un héritage difficile à assumer
L’actuel gouvernement de Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko se retrouve face à un chantier immense : rétablir la transparence, assainir les finances publiques et restaurer la crédibilité du Sénégal auprès des bailleurs.
Le FMI exige des réformes urgentes et des preuves tangibles de bonne gouvernance avant tout nouveau soutien. En attendant, ce sont les citoyens qui subissent les conséquences, entre hausse du coût de la vie et réduction des subventions.
L’enquête met en lumière une réalité sans appel : l’héritage économique de Macky Sall, longtemps vanté comme un modèle de modernisation, révèle aujourd’hui ses zones d’ombre. Le Sénégal paie le prix d’une gouvernance budgétaire marquée par l’opacité, le surendettement et les priorités mal calibrées.
Par Baye thierno ka
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